Mai 2019 – Numéro 1 – La presse en revue

Odc #1

La presse en revue

L’or du rein

« Le business si rentable des dialyses » : Le Canard Enchaîné du 27 mars 2019, s’en prend à « l’or du rein ».

Selon l’hebdomadaire satirique, La Cour des Comptes y va de son investigation et le Sénat aussi. « C’est un tout récent rapport de la chambre régionale des comptes de La Réunion qui les a alertés. Son analyse des finances de l’Aurar, association locale spécialisée dans les dialyses, montre à quel point ce business peut rapporter ». « A La Réunion, poursuit  Le Canard, Aurar truste 46 % des dialyses pratiquées sur l’île. Les remboursements de la Sécu ont permis à cette association à but non lucratif (sic) de se tricoter un bas de laine de 52,6 millions d’euros, dont 19 millions de patrimoine immobilier, et 20,9 millions de trésorerie placés sur des comptes en banque. Le rapport de la chambre régionale (que Le Canard a pu consulter) s’étonne que l’Aura, en trente-huit ans, n’ait jamais été contrôlée par l’agence régionale de santé ou par la caisse locale d’assurance-maladie…

En effet. Mais à trop rouler sur « l’or du rein », « l’Aurar a fait l’objet, l’an dernier, d’un redressement fiscal de plus de 7 millions d’euros », précise encore Le Canard. Aujourd’hui, « l’Aurar se trouve sous le coup d’une enquête du parquet de Paris, à la suite d’une plainte pour escroquerie déposée par… l’assurance-maladie. Comme les malades des reins, conclut Christophe Labbé dans Le Canard, l’association est confrontée à de douloureux calculs

 

Le déficit de la Sécurité Sociale au plus bas depuis 2001

Selon Le Monde du 17-18 mars 2019, « trois des quatre branches du régime général sont excédentaires, mais l’Assurance-maladie demeure en déficit de 700 millions d’euros ». Cette demi-bonne nouvelle a de quoi rassurer car « la Sécu se rapproche encore un peu plus de l’équilibre. Même si ses comptes restent encore dans le rouge, ils se sont nettement améliorés en 2018 ».

« Le régime général, précise Le Monde, retrouve pour la première fois depuis seize ans un solde positif ». Il y a un début d’explication, notamment « un ralentissement en volume de l’activité hospitalière qui augmente mais moins que prévu et par des dépenses moins importantes sur les médicaments ». Ce n’est pas Le Monde qui l’affirme mais Olivier Veran, rapporteur général LRM de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Ca, c’était pour 2018. Et en 2019 ? Remarque du Monde : « Les mesures annoncées en décembre 2018 par Emmanuel Macron pour répondre à la crise des « gilets jaunes » (baisse du taux de la CSG pour une partie des retraites et avancement au 1er janvier de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires) pèseront sur les comptes de la « Sécu » en 2019 pour un coût d’environ 2,6 milliards. Retour à l’équilibre pour cette année ? Rien n’est moins sûr. Interrogation du Monde : « Reste désormais à savoir, si le retour dans le vert est atteignable pour 2020 comme l’avait fixé le premier ministre, Edouard Philippe, lors de son arrivée à Matignon, en 2017 ».

 

« Prendre soin de nos articulations »

«Nos articulations, un capital», titre l’éditorial du dernier Géo hors-série sciences (janvier 2019). Un titre qui en dit long : épaules, hanches, dos, genoux, mains, tout y passe. Prendre soin de nos articulations, c’est le thème abordé dans ce hors-série… articulé avec soin. Elles sont toutes passées en revue, nos articulations, y compris la tendinite, la lombalgie… et l’inévitable arthrose.

Et Géo y va de son diagnostic : comment les prévenir et les soigner ? Eric Meyer, rédacteur en chef de Géo, ne guérit pas mais prévient ses lecteurs : «Dans la subtile machine du corps humain, ces pièces-là ne jouent pas le rôle vital du cerveau, du coeur ou même de l’appareil digestif. Mais lorsqu’elles viennent à grincer, se bloquer et s’abîmer, elles empoisonnent la vie, épuisent la patience du patient et lui font visiter les salles d’attente les plus diverses, celles des ostéopathes, des maîtres du qi gong ou des as du bistouri».

Cet hors-série vaut le coup d’oeil à condition de prendre le temps de consulter ce numéro de plus de 100 pages riches de portraits de posturologues et, bien sûr, de chirurgiens, où une infographie détaillée montre l’étendue des douleurs articulaires, ce «fléau majeur en France». Toutes nos articulations sont passées au crible, le dos, les genoux, les hanches, les épaules, les mains et les pieds, sans oublier cet autre fléau, l’arthrose. «Des recherches prometteuses sont en cours sur l’arthrose», annonce Géo.

Même si «à ce jour, aucune thérapie n’est capable de retarder l’essor de cette maladie articulaire, qui n’est aucunement liée à l’âge. Mais les cellules souches représentent déjà un espoir». En voilà une année qui commence bien.

Anticor, anti Has

Anticor, l’association anticorruption, a déposé plainte, en octobre 2018 contre la HAS, la haute autorité de Santé, accusant six médecins, des experts agissant au nom de la HAS, de ne pas avoir déclaré leurs liens avec l’industrie pharmaceutique.

L’affaire a fait quelque bruit, relayée par deux journaux, L’Express et Le Monde.

François Koch, dans L’Express du 18 octobre 2018 écrit : «Le 3 octobre 2018, l’association Anticor a déposé plainte au tribunal de grande instance de Bobigny pour prise illégale d’intérêt contre une série d’experts de la Haute autorité de Santé (HAS). L’association spécialiste de la lutte anticorruption accuse ces derniers, qui ont rédigé une recommandation publiée en 2017 sur les dyslipidémies (cholestérol, triglycérides…), d’accroître l’incitation à la prescription de médicaments, alors qu’une majorité de ces spécialistes ont des liens financiers avec les laboratoires qui les fabriquent. De quoi s’interroger sur la valeur scientifique de leurs conclusions».

L’Express rappelle que la HAS, «une autorité publique indépendante, doit veiller à ce que l’on ne puisse pas mettre en doute ni l’intégralité ni l’impartialité de ses experts».

Or, d’après L’Express, «la loi aurait été violée puisque six des neuf experts du «groupe dyslipidémies, de la Haute autorité avaient « des liens d’intérêt direct ou indirects majeurs avec les les laboratoires intéressés par la recommandation», peut-on lire dans la plainte d’Anticor (…) «La plainte d’Anticor ne vient pas de nulle part, même si cette organisation spécialisée dans les infractions politicofinancières porte le fer pour la première fois dans le monde de la santé. Elle s’est appuyée sur l’expertise de l’association pour une formation et une information médicale indépendante, dite Formindep. Cette dernière a écrit le 1er juin 2018 au professeur Dominique Le Guludec, la présidente de la HAS, pour dénoncer les conflits d’intérêts d’experts ayant rédigé la fiche mémo «Principales dyslipidémies : stratégie de prise en charge».
La réponse, certes convenue, n’a pas tardé. La présidente de la HAS oppose un double refus au Formindep : «Les liens d’intérêt des membres du groupe de travail ont, avant le démarrage des travaux de celui-ci, été analysés et gérés conformément aux règles et procédures en vigueur». Dont acte.

De leur côté, dans Le Monde du 21 octobre 2018, Pascale Santi et Laura Motet, constatent que l’association Anticor «veut vacciner les politiques contre la corruption». Et donnent la parole à Elise Van Beneden, secrétaire générale adjointe d’Anticor, : «Notre plainte porte sur une recommandation (précise), mais le phénomène est systémique. Pour nous, il s’agit d’un coup de pied dans la fourmilière».
Le Monde apporte, en outre, une précision qui ne manque pas d’interêt : «La HAS s’est dotée, depuis octobre 2016, d’un déontologue « chargé de veiller au respect des obligations de déclaration des liens d’intérêts et de prévention des conflits d’intérêts». (…)
« La HAS pouvait donc aisément constater l’existence de liens d’intérêts majeurs, en cours, au moment même du dépôt de la déclaration d’intérêts par l’expert », ajoute la requête du Formindep.
Le Monde conclut ainsi : «Ce n’est pas la première fois que Formindep s’attaque à la HAS. En 2009, elle a saisi le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation de deux recommandations, sur le diabète de type 2 et la maladie d’Alzheimer pour non-respect des règles de gestion des conflits d’intérêts. Le Conseil d’Etat a abrogé la recommandation sur le diabète en mai 2011 et, dans la foulée, la HAS a retiré d’elle-même celle sur la maladie d’Alzheimer».

Il y a, parfois, de (bonnes) nouvelles qui passent un peu inaperçues…

« Implant Files », comme un feuilleton

 L’onde de choc des «Implant Files» : hénaurme !

C’est le 25 novembre 2018 que le public découvre l’ampleur du scandale des «Implant Files». C’est ce jour-là que paraît l’enquête, menée dans 36 pays par 59 médias, réunis autour de la bannière du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Chez nous, trois médias sont de la partie, France Télévisions et l’émission  Cash Investigation  d’Elise Lucet, Radio France et Le Monde.

Nous nous contenterons ici d’extraits d’articles publiés depuis fin novembre 2018 par Le Monde, se rapportant aux «Implant Files».

«Au coeur de l’enquête : les dispositifs médicaux. Plus de 250 journalistes ont travaillé sur les incidents occasionnés par ces outils censés aider les patients, de la pompe à insuline aux implants mammaires en passant par les pacemakers ou les prothèses des hanches.

Une absence de contrôle. Ces dispositifs médicaux bénéficient facilement du certificat «Conformité européenne» permettant de les vendre dans toute l’Europe…Et ce, sans aucun contrôle. 
Seuls, les Etats-Unis recueillent de façon détaillée les incidents relatifs à ces dispositifs médicaux. La base de données américaine compte 82000 morts et 1,7 million de blessés en dix ans. En Europe, ces informations sont inexistantes, faute de «remontée» systématique et de contrôle ».(…)

Une base de données
Le Monde (1er décembre 2018) complète son enquête par une précision de poids : « Le Consortium des journalistes d’investigation (ICIJ) a créé une base de données -en anglais- qui rassemble pour la première fois les informations disponibles dans le monde entier sur les dispositifs médicaux défectueux, dangereux -voire potentiellement mortels.
Cette «International Médical Devices Database» (IMDD) recense les produits de plus de 1 100 fabricants ou de leurs filiales, sur une période comprise entre le début des années 1990 et 2018. La base permet de retrouver plus de 70 000 produits rappelés par les fabricants et recense les alertes et les informations des autorités de santé dans plus de 11 pays -des éléments qui ne sont pas accessibles dans la majeure partie du monde, et qui seront enrichis au fur et à mesure du développement de l’enquête. Un même produit peut en effet avoir un nom différent et les numéros des modèles, lorsqu’ils existent, peuvent varier selon les pays, si bien qu’il est difficile de suivre au-delà des frontières les dispositifs défaillants.
Les «Implant Files» ont en effet permis de découvrir que moins de 20 % des pays du monde mettaient à disposition du public les alertes et les rappels de produits de dispositifs médicaux.

Et les quelque 250 journalistes des 59 médias partenaires de l’ICIJ se sont souvent heurtés à une certaine résistance des autorités sanitaires pour en obtenir la liste -alors que les Etats-Unis ont rappelé à eux seuls plus de 2100 dispositifs médicaux pour des défauts présentant un  «risque probable» de provoquer «de graves problèmes de santé ou un décès».  Au Canada, 347 rappels de de type ont été enregistrés».

En attendant, les premiers effets de l’onde de choc d’ «Implant Files» se font sentir. Dans Le Monde du 18 décembre 2018, on apprend que l’entreprise Allergan devra rappeler tous ses implants mammaires texturés. En effet, «l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a (…) demandé à la société Allergan de procéder au rappel de tous ses implants mammaires texturés actuellement en stock dans les hôpitaux et les cliniques. (…)  Cette décision fait suite aux soupçons croissants d’un lien entre les implants texturés et un cancer rare qui touche les ganglions lymphatiques, appelé lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC). La première femme a été diagnostiquée en 1997. A ce jour, elles sont 656 atteintes dans le monde, dont 56 en France (…).

Le Monde du 3 avril revient à la charge. Quatre mois après la parution de l’enquête « Implant Files », la France interdit les prothèses polytexturées en silicone et les implants en polyuréthane. Ainsi en a décidé l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. « La décision est historique », souligne Le Monde. Dans une lettre adressée aux fabricants, l’agence explique que cette décision de police sanitaire a été prise « au vu du danger rare mais grave » ces implants , soit « l’augmentation significative » des cas de lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC) depuis 2011, « une pathologie cancéreuse grave, mais susceptible de conduire au décès des patientes ».
« En février 2019, poursuit Le Monde, à l’issue de deux jours d’auditions publiques à l’ANSM, durant lesquels, chirurgiens, patientes, mais aussi autorités sanitaires étrangères, étaient intervenus, un comité d’expertes indépendantes avait recommandé l’interdiction d’un modèle d’Allergan, la Biocell, et « la plus grande prudence » à l’égard des autres « texturés ».

Vu à la télé…

ONDES DE CHOC… sur Arte (été 2018).
Quatre fictions inspirées de réels faits divers, aussi singuliers que violents. Ames sensibles, s’abstenir…